Le Faltazi Lab
 
Faltazi, en dates

2009 : Développement d’un mobilier de cuisine intégrant la gestion des déchets, Carte Blanche VIA.
2007 : Prix Entreprise et Environnement, ministère de l’Écologie et du Développement, pour l’aspirateur Shock Absorber pour Rowenta1.
Depuis 2005 : Collaboration avec York Neige, Dorel – Bébé confort, LPS Deco System, Aldebaran, Espace Loggia, Tefal, Rowenta.
2002 : Début de la collaboration avec le groupe SEB et exposition de Monsieur Faltazi à la Biennale de design de Saint-Étienne.
2002 : 1er prix du VDID/DSM Somos ProtoFunctional Design Competition, avec le projet Jellynoctil (Monsieur Faltazi).
2001 : Lauréats de la Bourse Agora avec le projet Monsieur Faltazi (www.monsieurfaltazi.com), enseignement à l’École de design de Nantes.
2000 : Création de Faltazi, agence de design industriel.

VICTOR MASSIP
2009 : Participe au débat sur les déchets de l’agglomération nantaise, et au Camp Climat pour la lutte contre l’implantation de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes.
1997 : DESS d’urbanisme, aménagement et développement local, Institut d’études politiques, Paris.
1994 : Diplômé de l’ENSCI.
1993 : Devient membre de Greenpeace France.
1991 : Adopte le vélo comme moyen de transport quotidien et participe aux manifestations Vélorution avec la création de modèles de véhicules à propulsion humaine.

LAURENT LEBOT
Depuis 2008 : Pratique une apnée quotidienne de dix minutes pour réduire sa production personnelle de CO2.
2006 : Fait l’acquisition d’un lombricomposteur.
2003 : Imagine et organise les Olympiades du potager (www.olympiades-du-potager.com).
2002 : adhère à un réseau de distribution de paniers de légumes bio et adopte deux poules pondeuses pour traiter une partie de sa production de déchets alimentaires.
1997 : Diplômé de l’ENSCI.

1. Le développement du Shock Absorber est réalisé en partenariat avec l’ADEME et l’ENSAM.

 
www.faltazi.com
 

Victor Massip et Laurent Lebot se rencontrent à l’ENSCI au milieu des années 1990. Victor réfléchit alors à un véhicule urbain électrique et des stations automatiques de recharge de batteries, et se demande : « Quel moyen de transport pour quel mode vie ? ». Laurent Lebot l’assiste sur ce projet, puis deux ans plus tard, imagine « Magic Factory ». Cette machine qui s’appuie sur les technologies du prototypage rapide pourrait fabriquer au cas pas cas, instantanément, l’objet désiré. Ce projet est fondateur. Il deviendra Monsieur Faltazi1, hypothèse de travail du Faltazi Lab, lorsqu’ils fondent en 2000 l’agence Faltazi2.
Leurs expériences professionnelles, dont certaines communes, chez divers industriels ou en agence d’architecture, leur font expérimenter les limites des filières industrielles traditionnelles pour le designer. Ces quelques éléments permettent de cerner ce qui les préoccupe, et qui est la base de leur collaboration. Comment penser le design dans son

contexte social ? Comment penser le rapport entre monde global et situations locales ? Comment produire de façon juste et nécessaire ? Comment travailler avec l’existant, dans une démarche d’éco-design ? Comment réinventer les rapports entre producteurs, designers et consommateurs ?

Design Dans un monde soutenable
Les Faltazi sont designers, industriels même. Il collaborent avec le groupe SEB depuis 2002, pour qui ils dessinent fers à repasser, aspirateurs ou encore bouilloires électriques. LPS Deco System pour qui ils conçoivent du mobilier carton, Dorel - Bébé confort comptent parmi les principaux clients de l’agence. Souvent présentés comme des atypiques, ils proposent avant tout une vision concrète du monde et de leur métier, et Laurent Lebot insiste : « Nous sommes des pragmatiques3 », de joyeux pragmatiques.
Précision importante, car leur engagement écologique et citoyen, leur aspiration réelle au développement d’un monde soutenable, combinés à leur expérience de la pratique industrielle, font tout l’intérêt et la singularité de leur démarche. Sans s’extraire du champ de la production, ils imaginent des scénarios alternatifs, collectifs, qui questionnent et modifient structurellement les paradigmes depuis longtemps installés du design comme partenaire privilégié de la toute-puissance industrielle et économique. Un outil critique en somme. Laurent Lebot le souligne : « Le quotidien industriel n’est pas vert du tout, et à court terme, il faut légiférer. » Les discussions sont parfois intenses avec les clients pour modifier les cahiers des charges dans ce sens. Mais il appartient aussi au designer de repenser son rôle. Il s’agit peut-être de revenir à une définition étymologique du mot design : avoir l’intention de, planifier, organiser.

Alter : du latin autre, ce qui est autre, autrement 4.

« Alter5 »-filières pour « alter »-relations
Monsieur Faltazi, lui, n’est pas designer. C’est un système, une usine dématérialisée, numérisée : un service. Celui-ci, sous la forme d’une plateforme Web, simulation de site marchand, produit des objets
distribués numériquement via les réseaux de télécommunication.
Téléchargés par les consommateurs, produits et services sont fabriqués directement par impression 3D, puis récupérés dans la boutique
Faltazi la plus proche, livrés dans un rayon de 10 kilomètres, ou envoyés par la poste. Ces objets, matérialisés à la demande (POD6), bénéficient de l’extrême flexibilité formelle offerte par les technologies de stratoconception. Ils sont monomatériaux bruts (sortis de la machine), et consignés pour encourager un retour au producteur en fin de vie et être partiellement recyclés.
Tout un alter-monde est là, une alter-filière de production participative. En opérant un transfert de technologie, Monsieur Faltazi contourne les intermédiaires traditionnels de la production industrielle, le stockage et les coûts de transport, et adapte l’usage de la technologie aux situations locales : une « éco-production à la demande » 7.
Les projets du Faltazi Lab procèdent des mêmes intentions. Ils placent toujours l’usager, ses actes et ses besoins réels au centre de l’acte de conception, avec une obsession : limiter l’empreinte écologique de celui-ci. Réfléchir à un véhicule électrique pliable, à des « solutions robotisées pour l’entretien écologique de la maison » (faire bon usage de la technologie), ou encore à des scénarios pour se réapproprier et cultiver des potagers bio-intensifs en zones urbaines sont autant de propositions pour réévaluer notre rapport au monde, à notre action sur celui-ci, et en retour, son action sur nous. Pour Victor Massip, la responsabilité du concepteur est aussi engagée dans le processus que celle du consommateur, l’un et l’autre avant tout citoyens du monde.

« Alter »-designers
Victor Papanek8, qu’ils citent volontiers, énonçait déjà, peu avant le choc pétrolier de 1973, la fragilité des ressources planétaires et l’importance du design, trop dévoyé par le système économique dominant, dans l’établissement durable d’un « monde réel ». En d’autres termes, il devait « devenir un outil novateur, hautement créateur et pluridisciplinaire, adapté aux vrais besoins des hommes » et « s’orienter davantage vers la recherche ». Il écrivait, en introduction de son ouvrage : « Nous devons cesser de profaner la terre avec des objets et des structures mal conçues9. » Dans un article publié dans The Politics of the Artificial en 200210, Victor Margolin11 replace la thèse de Papanek dans l’histoire de la conception. Il montre que jusqu’à aujourd’hui, les projets « soutenables » imaginés par des designers souvent isolés ont été autant de sursauts en réaction à des manifestations ponctuelles de l’urgence écologique. Parfois restés de douces utopies, ils n’ont laissé qu’une empreinte légère sur les processus de conception au cours des trois dernières décennies.
Aujourd’hui, le travail expérimental du Faltazi Lab est un exercice de projection concrète. Il intègre « en amont les pratiques, des gestes et des attitudes simples, des savoir-faire parfois juste un peu enfouis dans la culture, pour opérer une transition en douceur vers un monde durable et soutenable12. »
Alors loufoques, atypiques ? Pourquoi pas. Engagés. Dignes représentants d’une espèce en voie d’apparition : des « alter »-designers.

 

1. En 2001, les Faltazi sont lauréats la Bourse Agora (voir biographie en dates). Ils «  remettent en scène » et poursuivent le projet pendant un an.
2. Imagination, vue de l’esprit, en breton.